mercredi 23 mai 2012

*REVIEWS* Les Inrocks (France) - Mai 2012

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cf. Les Inrock
La limousine sera-t-elle l’objet de ce printemps cinéma ? Habituellement associée au glamour hollywoodien comme aux paillettes cannoises, ces longues voitures aux vitres fumées peuplent les premières images disponibles du Holy Motors de Leos Carax et l’un de ces fétiches de la modernité constitue le décor (voire le personnage) principal du nouveau film de David Cronenberg. 
Mais nul crash automobile ne vient déchirer Cosmopolis.
Adapté (assez fidèlement) du roman de Don DeLillo, le film raconte une traversée de Manhattan à dix à l’heure de moyenne en raison d’une visite présidentielle qui paralyse le trafic. 
Comme le livre, le film est construit selon la règle des trois unités.
On embarque dans la limo avec Eric Packer, golden boy cynique et sexy, et on n’en sortira quasiment plus. 
Cosmopolis est un film d’intérieur, presque entièrement confiné dans un lieu étroit mais mouvant. L’objectif de Packer : se faire coiffer à l’autre bout de la ville. En chemin, il discute avec ses associés (logorrhée de chiffres et de théories que l’on croirait issue du cerveau d’un mathématicien sous speed ou d’un philosophe cocaïno), croise sa jeune épouse, baise avec une maîtresse, consulte les multiples écrans qui tapissent le véhicule, regarde à travers les vitres fumées de sa voiture le spectacle d’une société au bord de l’explosion : manifestants, flics, indignés, entarteur forment un carnaval urbain inflammable qui ne laisse aucun répit.
Morceau de bravoure en soi, cette vue en coupe de New York permet toutes les lectures symboliques possibles. Babylone de l’Occident, cité phare de la civilisation capitaliste depuis une centaine d’années, le NYC de Cosmopolis est un concentré de notre monde.
Les très riches et les très pauvres y cohabitent, et c’est vieux comme le monde. La nouveauté, c’est la promiscuité entre maîtres et quidams induite par les nouvelles technologies.
Avant, les pauvres ne voyaient pas les riches. Aujourd’hui, le lointain n’existe plus, la prolifération des écrans et la rapidité des communications réduisent la planète à un village où tout est proche et instantané, où désirs et frustrations, échecs et réussites, inclusion et exclusion mijotent comme dans une Cocotte-Minute.
Cronenberg rend bien cette cohabitation malsaine entre les 1 % et les 99 %, filmée depuis le point de vue d’un des nouveaux maîtres. 
Il suffit d’ailleurs à Packer de remonter les vitres pour couper le son, voire l’image, de cette société en ébullition qu’il a contribué à chauffer. La limousine est une bulle, un cocon, un endroit protégé, régressif, coupé du monde réel, comme l’univers de luxe et de rémunérations obscènes où évoluent les moguls du capitalisme contemporain. 
L’habitant de ce cocon est un être mi-ange, mi-démon, un homme qui possède tout mais semble incapable de nouer une relation normale avec autrui, perpétuel insatisfait, humain inachevé à qui il manque une case émotionnelle. Plus l’avoir est gigantesque, plus l’être est névrotique. 
Pour incarner Eric Packer, Cronenberg a choisi Robert Pattinson, coup de génie mutuel. L’acteur-étoile file de Twilight à Cosmopolis avec une incroyable aisance, incarne à merveille ce mélange de jeunesse et de cruauté, de sex-appeal et de déliquescence, de désir et de mort, cette maladie de la win confinant à la pathologie morbide qui irradie ce film et emblématise notre époque.

source: Les Inrock

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